Quel incroyable rendez-vous manqué
Avant toute chose il y a une incohérence conceptuelle qui saute aux yeux de quiconque a vu le film original: le film s'appelle
Enragés, il partage d'ailleurs avec l'œuvre de Bava son titre anglais,
Rabid Dogs, sauf que ce remake a ôté du script absolument tout ce qui pouvait justifier un nom pareil. Plus sage, plus fade, plus lisse, prenant moins de risques à une époque où la sortie du Bava serait probablement impensable. Les antagonistes d'Enragés version 2015 semblent constamment dépassés par les événements, ils doutent de tout tout le temps, quand ils n'ont pas carrément les larmes aux yeux. A aucun moment on ne les imagine capables de tout pour sauver leur peau, à aucun moment on appréhende ces personnages à travers le prisme de la folie. Juste un petit groupe qui a l'air d'en être à son premier braquage et qui se sent très vite perdu face à la dure réalité de la situation. Et j'avoue que je n'ai pas compris ce choix, la tension en prend un sacré coup et ce que Bava nous balançait comme un poing dans la gueule, peignant les portraits de quelques ravagés du bulbe, Eric Hannezo ne nous le sert même pas avec une petite gifle (on a en revanche droit à de la finesse du style "regarde je suis trop un déglinguo je met mes lunettes de soleil à l'envers"
). Inoffensive, c'est le mot qui résumera donc sans doute le mieux cette maladroite tentative de remettre au goût du jour un des tout meilleurs morceaux de péloche du réal italien.
Passée cette déception de taille, on remarque vite que la structure est peu ou prou la même,
Enragés allant jusqu'à singer la musique de Stelvio Cipriani. Et c'est là qu'intervient le deuxième gros problème du film, un cruel manque d'identité. Ayant pour lui une imagerie très américaine, avec une musique et des expérimentations de lumière héritées du cinéma transalpin des années 60/70, le tout pour raconter un simili-polar à la française, on finit par se demander ce que l'on regarde. Brouillon au point que je serais incapable de dire où l'action du film se situe (Canada par pure déduction mais je n'en sais rien), l'univers d'Enragés est un gros bouillon de références pas toujours très bien digérées et qui donnent en bouche le goût amer d'un simple film de posture. On nous propose d'écouter des rythmes entêtants et d'admirer des lumières rouges flashys comme à la belle époque du cinoche de genre rital, mais derrière tout ça, peu ou pas d'émotion.
Reste la mise en scène qui fait correctement le taf, Eric Hannezo n'est pas un manchot lorsqu'il s'agit d'emballer quelques beaux plans. Les acteurs se débrouillent également comme ils peuvent pour donner un semblant de substance à leurs personnages malgré un script qui leur met de sacrés bâtons dans les roues (le perso féminin joué ici par Virginie Ledoyen est totalement sacrifié et fait limite de la figuration).
Quel gâchis