Shame (Steve McQueen - 2011)

Shame avait été un de mes chocs cinématographiques de l'année dernière et je m'aperçois que je n'ai jamais pris la peine d'écrire quelque chose dessus. Le film de McQueen nous raconte l'histoire de Brandon, un trentenaire new-yorkais drogué au sexe. Prostituées, coups d'un soir, sites pornographiques, absolument tout y passe. Un jour, sa soeur Sissy, chanteuse paumée, débarque dans sa vie si bien réglée.

Shame raconte de nombreuses histoires et, derrière son apparente froideur (j'y reviendrai), camoufle une vraie histoire tragique, celle de la perdition d'un homme dans une drogue. Une vie bousculée par le caractère pétillant (mais quand même torturé) de Sissy, qui fait ressortir l'extrême solitude de Brandon. La plus grande force du film, c'est de ne jamais le souligner et laisser le spectateur le comprendre par lui-même. A aucun moment ne sont prononcés les mots "addiction", "solitude" ; et pourtant, c'est inscrit partout à l'écran et il est difficile de ne pas se les prendre en pleine figure.

Le film est porté par deux acteurs magistraux : Fassbender, de plus en plus fissuré à mesure qu'avance le film et Mulligan, sublime. Ne vous y trompez pas : Shame n'est pas un film léger, plutôt le contraire. Extrêmement froid dans sa réalisation et dans ses couleurs, laissant place à de longues séquences sans coupe, pour permettre à chaque personnage de se développer pleinement. Ajoutez à cela une musique minimaliste (mais magnifique) et vous obtenez ce qui est pour moi un des films de 2011. Une chronique d'un obsédé sexuel. Y a-t-il une morale ? Je ne pense pas. Je ne sais même pas s'il y a une fin et si l'on peut se permettre d'essayer de devnier la suite. Voilà un film "vérité", dans le sens où il propose au spectateur une tranche de vie, c'est tout.

Superbe.

Même si je ne suis pas aussi enjoué que toi, j'ai bien aimé
Déjà c'est très bien foutu, un peu trop poseur par moment (les longs plans sans coupe comme tu dit, c'est souvent assez horripilant quand ça ne sert pas l'intrigue), mais vraiment bien emballé. C'est beau, les deux acteurs principaux portent le film et la musique discrète accompagne magnifiquement les images. Par contre sur le fond j'ai trouvé Shame un peu vain, parce que ces personnages, ce petit postulat de départ qu'on nous présente en 20 minutes, n'est jamais développé durant le reste du métrage. En gros j'ai eu l'impression de voir un projet de court adapté pour tenir sur un peu plus d'une heure et demie. Y a des trucs qui marchent, quand le réal fait confiance au spectateur il arrive à faire passer des choses qui parleront à tous le monde sans que ce soit nécessairement montré à l'écran, mais le reste du temps il ne fait que souligner, surligner et re-surligner des faits qu'on avait compris depuis longtemps. Un peu frustrant quoi.

Mais sinon j'ai bien aimé le propos, et c'est marrant d'ailleurs parce que je n'ai pas du tout pris le film comme toi Fadd. Plus que la chronique d'un obsédé sexuel, j'y ai vu la chronique d'une société dans son ensemble. Une société tellement conditionnée par toute sorte de choses (l'argent, pression sociale etc) que tous les rapports entre les personnages passent par le prisme du pognon, entre autre. Une société aussi étouffée par une pression constante qui nous bouffe de l'intérieur (par exemple le passé chargé des deux personnages n'est que suggéré, mais comme il semble avoir totalement conditionné leur vie actuelle on essaie de deviner ce qui a pu se passer). En cela Shame m'a pas mal fait penser à Edmond. Au final le côté sex-addict du héros m'a clairement paru secondaire.