Les Promesses de l'ombre (David Cronenberg - 2007)

Très bel avis.
Mais tu t'en doutes certainement, la violence ne m'a parue ni choquante, ni inutile.
Comme dans A History of Violence, et la plupart des films torturés de Crony, la violence, et la maltraitance des corps est un moteur de l'histoire (tiens, en collant violence et histoire, on obtient le nom de l'avant-dernier film du canadien violent).
Cronenberg, en bon existentialiste (tiens, on va parler d'eXistenZ ?), croit eu corps humain, à ses forces, et ses faiblesses.
La procréation, le mouvement, le changement, l'évolution, la destruction de l'humain - ou plutôt du corps humain, de sa chair - sont des thématiques récurrentes de son oeuvre.
Dans ce dernier film, il na va pas aussi loin que dans les chef d'oeuvres culminants dans sa carrière - Videodrome, La Mouche, Faux-Semblants, Le Festin nu, Crash - et passe avant par une approche émotive de l'histoire, mais n'en oublie pas pour autant de revenir à ses obsessions.
Nikolaï maltraite son corps, avec ses tatouages, son combat dans la sauna... Mais il maltraite également son esprit :

Spoiler:

Grand film. Qui vieillit vraiment très bien dans ma tête.

Tu mets bien en valeur la justification de cette violence, et je suis d'accord, mais je maintiens, purement subjectivement, que certains plans n'étaient pas indispensables... Mais une autre partie de moi est d'accord avec toi et se dit aussi que sans ça, le film n'aurait pas été pareil; un mal pour un bien, alors.

Citation :

La procréation, le mouvement, le changement,
l'évolution, la destruction de l'humain - ou plutôt du corps humain, de
sa chair - sont des thématiques récurrentes de son oeuvre.

Oui, et d'une façon très belle et douloureuse, crue comme la vie sait l'être. C'est à la fois repoussant et irresistible pour moi.

Citation :

Grand film. Qui vieillit vraiment très bien dans ma tête.

Pareil pour moi. Quel plaisir!

C'est étonnant, tu emploies beaucoup de mots positifs pour un film pourtant sombre et refusant toute rédemption.
Mais je vois ce que tu veux dire : tu trouves l'emploi de ces thématiques négatives justifiées, responsabilisées, là où ce n'est pas toujours le cas dans le ciné américain d'action contemporain.
C'est rassurant de voir que malgré son côté ténébreux, le film t'ait touché : ça démontre que malgré ses thématiques difficiles, Crony est capable de générer des émotions même chez les personnes réfractaires à la violence.
C'est bien.

C'est foncièrement positif parce que ces gens survivent malgré tout, en fait, malgré la destruction, la violence, le malheur.

Enfin je trouve. C'est une vision de l'existence que je trouve très belle.

Spark a écrit:

C'est une vision de l'existence que je trouve très belle.

Tu mets le doigt sur les croyances de Cronenberg.
Il croit avant tout à l'être humain, avant la philosophie, la science, et l'évolution.
Pour lui, l'être humain est au centre de tout.
Et sans être humain, pas d'émotions, d'amour, d'Histoire, de machines...
Il est au centre de tout, génère tout, est omniprésent.
Normal donc que malgré ce qui arrive dans ce film (et il en arrive des choses !), les survivants décident de continuer, en dépit des désagréments qu'ils ont subi.

En gros, il poutre ce film.

+1

Vu ce soir : (Mieux vaut tard que jamais...)

Les promesses de l'ombre est un grand Cronenberg ! Il rejoint mon panthéon des grands films de l'auteur Canadien (Vidéodrome, Faux-semblants, Le festin nu, La mouche.)

Si le film peut paraitre assez voisin de A History of violence, de part sa thématique maffieuse et la présence du décidémment ultra-charismatique Viggo Mortensen, il lui est en fait radicalement différent.
D'abord par sa mise en scène, sobre, épurée et seche comme un coup de surin, bien plus proche de l'esprit du film noir classique que ne pouvait l'être le précédent Cronenberg, plus auteurisant...
Mais c'est surtout l'aspect émotionel voire sentimental qui est ici bien plus marqué. Ici, pas de pur méchant monolithique comme l'était Ed Harris dans History of Violence, mais uniquement des personnages crédibles, humains. Chaque personnage à ses failles et ses forces insoupçonnées, C'est cette humanité qui fait la force du film, qui émeut aux larmes.

Les thématiques récurrentes de Cronenberg restent certes présente, la chaire connait encore toute sorte de manipulation (maltraitance, customisation) mais de façon plus discrète, moins revendiquée.
D'autres obsessions Cronenbergiennes, par contre, mutent évoluent, s'enrichissent : Où est-on ? Question qui se posait déjà dans Le festin nu, Vidéodrome et eXistenZ ; mais à l'époque, Cronenberg se contentait de noyer son spectateur sous la stratification des niveaux de réalité, ici on se perd dans ce Londres Moscovite que personne n'avait encore fimé, les repères occidentaux se diluent jusqu'au malaise. Dites adieu au Londres que vous connaissiez, bienvenu dans un cauchemard mondialisé bien réel !

Le cinéaste se débarasse donc petit à petit de ses obsessions personnelles, tout du moins dans ses formes les plus routinières, pour devenir ce que chacun décelait en lui depuis longtemps maintenant : un grand auteur à la portée universelle, décryptant notre monde de son oeuil aiguisé, pertinant et alarmiste. (Un peu comme savait le faire Kubrick)

je ne m'attarderais pas sur les performances d'acteurs, chacun(e), est tout simplement parfait, juste. (Si, si, même Vincent Cassel !)

Comme le soulignait très justement Spark, un scénario un peu convenu nous prive (de peu) du chef d'oeuvre, mais ne faisons les fines bouches blasées, Eastern promises est un grand film. Enjoy !

9.5/10

Ton avis poutre autant que le film.

Par contre, j'ai trouvé des choses à redire sur ton avis à propos de Sweeney Todd.
Vas y jeter un œil (voire deux).

Vu avant-hier en Blu-Ray (magnifique copie d'ailleurs, à vous arracher les rétines). J'ai adoré ce film! Dans la lignée d'un History of Violence, mais en mieux. Les quatre acteurs principaux sont très bons, la mise en scène est un régal, la photo sombre donne une dimension de désespoir saisissante à ce petit bijou. Mention spéciale aux scènes du combat dans les bains et à l'interrogatoire de Viggo par les chefs mafieux (diantre, quels tatouages ).
9.5/10

Peewai a écrit:

Vu avant-hier en Blu-Ray (magnifique copie d'ailleurs, à vous arracher les rétines). J'ai adoré ce film! Dans la lignée d'un History of Violence, mais en mieux. Les quatre acteurs principaux sont très bons, la mise en scène est un régal, la photo sombre donne une dimension de désespoir saisissante à ce petit bijou. Mention spéciale aux scènes du combat dans les bains et à l'interrogatoire de Viggo par les chefs mafieux (diantre, quels tatouages ).
9.5/10

Un autre avis qui poutre.

Merci!

Peewai a écrit:

Merci!

Tu me prêtes le blu-ray ?

T'habites à Paris non? Désolé, c'est trop loin.

J'ai triste.

Moi aussi, je suis triste pour toi. Faut trouver la patience en toi.

Il va falloir que je me l'achète alors, parce que ça poutre grave quand même.

Moi je l'ai en dvd.

La chance.

Avec Les promesses de l'ombre, Cronenberg continue son virage amorcé avec le génial History of violence qui démontrait déjà le refus de Cronenberg d'appartenir à un groupe (le personnage joué par Mortenssen allait même jusqu'à se purifier dans la scène finale). Ici, il continue sur cette voie en adoptant cette fois-ci le problème de l'identité. Si mon corps appartient à un groupe, mon âme en fait-elle partie (fantastique trouvaille que ces tatouages) ? Et si mon sang en fait partie (le bébé, centre du film), que dois-je faire ? Au final, un film un peu plus anecdotique ses premières oeuvres mais c'est toujours plus intéressant que son tryptique Crash-ExistenZ-Spider.
8/10

Existen Z c'est pas critiquable. Mais les gens ont pas de gout ?

eXistenZ est un pensum embêtant et prétentieux fait un Cronenberg qui s'est enfermé sur lui-même parce que la critique a commencé à le reconnaitre.

C'est sur le meilleur film qui traite du virtuel. Peut être un des seuls qui montre les dérives et les atouts, de l'évolution d'un monde parallèle. Il arrive jusqu'à la dernière seconde à maintenir le suspense sur l'ambiguïté monde réelle/virtuel. Et rien que pour ça il mérite son statut de classique.

Depuis j'ai compris que ma vie virtuel était bien plus fendard que la vie réelle, où de toute une vie bien fade et banal nous attend. A moins qu'il y est des Charles Manson en puissance sur ce forum

Avec son excellent History of Violence, Cronenberg renouvelait son cinéma tout en conservant les thématiques qui lui sont chères: transformation de la chair et/ou de l'esprit, liens familiaux, appartenance à un groupe...
Eastern Promises continue sur la lancée et se propose de nous immerger en pleine pègre Londonienne, au sein d'une famille mafieuse venue tout droit de Russie.
Visuellement sublime, Eastern Promises est avant tout porté par des acteurs absolument parfaits dans leur rôles, Naomi Watts et, surtout, Viggo Mortensen, en tête. Seul Vincent Cassel a un peu de mal à véritablement convaincre, mais au final son surjeu colle plutôt bien avec le personnage de Kirill, assez bouffonesque.

Classe et posé dans sa réalisation, Eastern Promises n'en reste pas moins très violent, aussi bien visuellement (la scène du sauna !!!) que dans ses thématiques. Les personnages y sont souvent complexes et à double facette, apportant une tension constante au métrage, rappelant parfois certains films de Scorsese, en particulier Les Affranchis ou Casino.

David Cronenberg illustre l'intégration du personnage du Viggo Mortensen au sein de la famille mafieuse par des tatouages sur son corps, idée absolument géniale et esthétiquement superbe. Ici, pas de magnétoscope qui pousse sur le bide comme dans Videodrome, les tatouages apparaissent après coup sur le corps, gravés par les membres de la mafia, et illustrent les transformations mentales du personnage. Tatouages et cicatrices deviennent donc un véritable miroir de l'âme et évoluent en fonction de celle-ci, tout en devenant des signes d'appartenance à un groupe donné, à une famille.

Gros chef d'œuvre !

Han, j'ai envie de le revoir, "Film du Mois de Novembre 2007".