À quelques mois d’intervalle sortent sur les écrans français
La nuit nous appartient et
Live. Avec ces deux longs-métrages, la belle hispano-américaine Eva Mendes prend des risques et prouve désormais, s’il était encore besoin, que ses rôles ne se cantonnent pas à celui d’une belle plante décorative dans des films récréatifs. Qui plus est, elle ne manque pas d’humour.
Propos et autoportrait (en fin d’article) recueillis au cours du 33ème Festival du Cinéma Américain de Deauville (septembre 2007).
Regarderiez-vous une émission telle que Live ?Je ne sais pas trop. Beaucoup de gens ont regardé l’exécution de Saddam Hussein ou encore celle de Daniel Pearl mais personnellement, je ne supporte pas trop ce genre de choses. Non, je ne regarderais probablement pas une émission comme
Live.
La produiriez-vous ?Encore moins
(rires) !
Quelle est la pire émission de télévision que vous n’aillez jamais vu ?(Silence). Il y en a tellement
(rires). Je dirais celles de Jerry Springer ou de Maury Povich. Je trouve leurs talkshows exécrables car ils encouragent les situations conflictuelles en exhibant la vie privée de leurs invités. Le concept du
Bachelor est également des plus ridicules.
Pensez-vous qu’il y ait une limite pour de telles émissions ?Il y en a forcément une car vous ne pouvez pas diffuser n’importe quoi.
Comment expliquez-vous la fascination morbide du public pour ce genre d’émissions ?Dans le cadre d’une émission fictive telle que
Live, je dirais que certaines personnes qui ont peur de la mort pensent peut-être parvenir à mieux la comprendre en regardant. Personnellement, la mort me terrifie.
Le personnage que vous incarnez, Katy, pourrait-elle faire partie de votre cercle d’amis ?Jamais
(rires) ! Elle est bien trop « requin », trop masculine dans sa façon de gravir les échelons en marchant sur la tête des gens.
Selon vous, qui des hommes ou des femmes sont les plus « requins » dans le monde des affaires ?Ça dépend. En revanche, je dirais que les femmes sont bien plus posées et réfléchies que les hommes
(rires).
Aviez-vous des craintes quant au sujet controversé de Live ?Non, c’est précisément ce qui m’a attiré dans ce projet. Peu importe que vous aimiez ou non le film. Ce qui compte, ce que j’espère tout du moins, c’est qu’il suscitera le débat auprès du public.
Le fait d’occuper pour la première fois la tête d’affiche d’un film a-t-il représenté un challenge supplémentaire ?Du stress en plus car le planning de tournage était très serré : 40 jours seulement. Mais cet excès de stress m’était très utile dans mon interprétation car Katy, mon personnage, est complètement folle.
Vous avez déjà évoqué des projets de séries télés que vous souhaiteriez produire. Pourriez-vous nous en dire davantage ?Je préfère m’abstenir tant que rien n’est encore gravé dans le marbre.
De quel genre de séries s’agira-t-il ?Il y aura une comédie et un drame.
Vous tournez The Women en ce moment ?Oui, je repars sur le tournage dès demain.
Avez-vous vu la version française ?Il existe une version française ?
Oui. 8 femmes. Une comédie musicale réalisée par François Ozon avec Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Fanny Ardant…Sérieusement ? Il faut que je voie ce film !
Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet ?L’idée d’un film 100% féminin m’emballait. Ne vous méprenez pas, j’adore les hommes
(rires). D’autre part, j’adore l’original de George Cukor. Je reprends le rôle tenu à l’époque par Joan Crawford. Mais quelque soit ma performance, je sais pertinemment que je vais me faire tuer, que les gens vont me détester
(rires).
Qui sont les autres actrices ?Annette Bening, Meg Ryan, Candice Bergen, Bette Midler, Jada Pinkett Smith, Debra Messing, Debi Mazar.
Avec autant d’actrices aussi connues, il n’y a pas de problème d’ego sur le tournage ?Nous nous battons tout le temps. Dès le premier jour, Annette et moi nous sommes crêpez le chignon
(rires). Non, plus sérieusement, tout se déroule à merveille. Le réalisateur est également une femme. Je n’ai jamais connu de mauvaise expérience sur un tournage.
La nuit nous appartient et Live ! marquent-ils un tournant dans votre carrière vers des films plus sérieux, plus dramatiques ?Je n’ai pas vraiment de plan de carrière précis. Quelque soit le film auquel je participe, j’y prends à chaque fois beaucoup de plaisir. J’aspire simplement à approfondir mes talents de comédienne et je travaille très dur en ce sens avec mon coach. Mais
La nuit nous appartient a vraiment été une expérience unique.
Pour quelle raison ?C’était une combinaison de plusieurs choses. Tout d’abord, c’était mon vrai premier rôle dramatique en dehors de
Training day où je n’avais qu’une poignée de scènes à jouer. Ensuite, me retrouver dirigée par James Gray face à Joaquin Phoenix m’a conduit à m’impliquer à fond dans le personnage, dès le stade des répétitions avec mon coach, Ivana Chubbuck, qui, soit dit en pensant, sort un excellent livre intitulé
The Power of the Actor. Au final, j’ai vraiment eu le sentiment de ressortir grandie de ce film en tant qu’actrice.
Vous faites énormément de répétitions. Est-ce à dire que vous n’aimez pas l’improvisation ?J’adore ça ! Mais je préfère improviser après avoir fait tout le travail en amont sur la préparation de mon personnage.
Depuis quand Ivana Chubbuck est-elle votre coach ?Depuis huit ans. Je me suis trouvée tellement nulle dans mon premier long-métrage,
Children of the Corn V (inédit en France, NDR), que sitôt le tournage terminé, j’ai cherché un coach
(rires).
Poursuivez-vous toujours votre carrière dans le mannequinât ?Oui, depuis 2002 je suis sous contrat avec Revlon.
Pensez-vous que cela nuise à votre carrière d’actrice sous une forme ou une autre ?Absolument pas. D’une part parce que j’ai débuté en tant qu’actrice avant d’être mannequin. Ensuite, de plus en plus de comédiennes sont désormais sous contrat avec de grandes marques de cosmétiques en parallèle de leur métier d’actrice.
Qu’en est-il de vos origines hispaniques ? Sont-elles un obstacle ?C’est effectivement une lutte au quotidien. Mes agents me disent très souvent : « Ils ne veulent pas faire un long-métrage "ethnique" ». Je ne suis pas vraiment du genre à mâcher mes mots, quel qu’en soit les conséquences, et ce genre de prétexte me met littéralement hors de moi. Je demande alors : « Qu’est-ce que vous entendez par là ? Si le script a été rédigé pour une américaine sans précisions quant à ses origines ethniques, je ne vois pas en quoi je ne pourrais pas l’interpréter ? ». En acceptant des rôles plus difficiles comme
Live, dont le personnage principal était à l’origine un homme, j’espère m’ouvrir de nouvelles opportunités et ainsi faire tomber ce genre de barrière.
Comment choisissez-vous vos rôles ?J’ai un agent et un manager qui font un travail formidable pour me dénicher les bons rôles. Le plus amusant c’est que lorsque je meurs d’envie de jouer dans un film, je n’obtiens jamais satisfaction et à l’arrivée le film se plante. Le comble de l’histoire, c’est que j’avais refusé
Hitch,
Ghost rider et
La nuit nous appartient. Lorsqu’on m’a proposé
Hitch pour la première fois, j’ai dit : « J’adore Will (Smith) mais je ne veux pas faire de comédie, je veux être une actrice très sérieuse ». Puis, ça a été le même refrain avec
Ghost rider : « Non, je viens de finir
Hitch, une comédie, je veux être sérieuse, je ne veux pas faire de comic book ». Et mon agent a de nouveau insisté en me disant : « Ne sois pas stupide, tu dois le faire, ça va cartonner ». Quant à
La nuit nous appartient, j’ai dit « non » à James Gray pendant un an. Un an ! À présent, je crois que je vais laisser les choses se faire naturellement car je porte de très mauvais jugements et j’ai visiblement un ange gardien qui veille bien sur moi
(rires).
Pour quelle raison avez-vous fini par accepter de jouer dans La nuit nous appartient au bout d’un an ?Dans la première version du scénario qui était pourtant excellente, mon personnage n’était guère plus que la copine et j’ai dit à James : « J’adore ton boulot mais en l’état il n’y a pas vraiment beaucoup de matière me concernant ». Il est revenu vers moi par la suite avec une version où mon rôle était plus étoffé. Ce changement et la persévérance de James ont fini par me faire changer d’avis. Ça et aussi lorsque j’ai appris que Joaquin Phoenix était de la partie, je me suis dit : « OK, je vais peut-être y réfléchir à deux fois à présent »
(rires). Oh et puis j’allais oublié : mon esprit de compétition a repris le dessus lorsque j’ai eu vent que le rôle avait été proposé à une autre comédienne
(rires).
De qui s’agissait-il ?Je ne le dirais pas mais elle est très connue et il était hors de question que je lui laisse le rôle
(rires). Mais il faut également savoir quand s’arrêter et ne pas courir à tout pris après un film sinon on devient cinglé.
Cet esprit de compétition est-il inné chez vous ?Pas du tout ! Je déteste ça ! À la fac, je pratiquais de la course d’athlétisme et je me débrouillais, à l’exception des jours de compétition où j’étais vraiment très mal, limite malade. Mais je percute dès qu’une chose auquel je tiens énormément se retrouve menacé.
Aimeriez-vous réaliser un jour ?Alors là, jamais ! Je suis nulle dès qu’il s’agit de diriger ou gérer quelque chose. Si je devais réaliser, je débarquerais sur le plateau en me disant : « Qu’est-ce que c’est que ce merdier ? »
(rires).
Pourtant, vous avez pris des responsabilités en tant que productrice de Live qui était votre premier projet à ce poste.C’est vrai. J’ai dû taper du pied à certains moments. Je me souviens notamment un jour de casting où mon choix était bien arrêté et où j’ai réalisé le pouvoir que conférait alors la double casquette d’actrice et de productrice car si on ne se pliait pas à mes désirs, je pouvais tout aussi bien ne pas venir le lendemain
(rires). Les gens vous écoutent davantage lorsque vous menacez de ne pas venir travailler
(rires).
Stéphane Argentin pour Ecran LargeNDB :