Grosse star chez les geeks, Straczynski établit une grosse saga super-héroïque de la même façon qu'il avait (semble-t-il, c'est une de mes lacunes) abordé le Space Op' avec Babylon V. Ainsi, la saga est divisée en 3 actes de huit numéros chacun, dix années séparant chacune de ces parties. Le tout parfaitement orchestré, le moindre détail n'étant pas anodin dans une narration contrôlée et maîtrisée par son auteur. Malgré des grosses tensions pendant la publication (pour avoir ce qu'il voulait, Straczynski a carrément caché les scripts). Mais ça raconte quoi au fait ?
En 1969, une boule de feu s'écrase sur Peterson dans l'Illinois. Quelques années après, 113 enfants alors dans l'utérus de leur mère, développent des pouvoirs surnaturels : vol, combustion spontanée, télépathie, voix et beauté enchanteresse, etc. Ils sont baptisés les « Spéciaux » par le gouvernement, qui demande au docteur Welles de les étudier et de déterminer pour chacun d'eux comment les éliminer si nécessaire. Adultes, ils se sont intégrés dans la société américaine : Matthew Bright est un célèbre policier de New York ; Jason Miller est Patriot, le flambeau de la Nexus Corporation. D'autres inquiètent davantage : Pyre, l'homme-torche ; mais également les artistes John dit Poet et Randy « Ravenshadow ». Un jour, plusieurs Spéciaux sont assassinés. Poet commence son enquête et découvre que c'est l'un des leurs : il a découvert que si son pouvoir diminue au fil du temps et de l'usage, il peut être rechargé chaque fois qu'un de ces congénères meurt. (wiki)
Comme nombre d'auteurs avant et après lui, de nombreuses personnalités du comics ont une vision bien spécifique pour tel genre ou tel personnage. Et si au cinéma, chaque film de super-héros qui sort devient un temps "le meilleur film / le film définitif du genre" (rigolez-pas, c'est le cas depuis Watchmen), c'est assez différent dans le monde de la BD, les auteurs ayant régulièrement l'occasion de mettre sur le papier leur ressenti d'un genre ou d'un personnage (j'en parlais hier avec All Stars). Ici, Straczynski rédige une oeuvre complète en se posant la question (certes usitée) : "Et si les super-héros existaient bel et bien ? Comment notre gouvernement réagirait-il ? Aurions-nous peur ?" Afin de répondre à cette question, Straczinsky créé de nombreux personnages, tous ayant leur humanité, leur tristesse, leurs joies etc. Bref des humains nés avec des pouvoirs. Certains s'en tirent à bon compte. D'autres sont désespérés et souhaiteraient vivre une vie normale.
La série opère ainsi des deux côtés de la "barrière surhumaine" et montre les évolutions, griefs, tensions et amitiés qui se créent au sein d'un petit groupe comme d'un groupe plus large. Nous ne suivons pas uniquement la réaction du monde face à ces évènements extraordinaires. Nous ne suivons seulement pas les vies mouvementées des Spéciaux. Nous suivons les deux. L'auteur réussit à tout mêler dans une narration extrêmement fluide et logique, comme si tout avait été pensé avant (la structure me fait parfois penser à une série TV moderne).
Nécessité d'un leadership, égo surdimensionné, besoin d'acceptation, recherche de la perfection, peur de la différence, renfermement etc. Les pouvoirs des Spéciaux cristallisent en somme notre Société. Car au final, au-delà de la réflexion évidente sur la place de telles personnes dans notre Monde, c'est bien de nous que l'auteur parle. Malgré leurs capacités, les spéciaux restent tout ce qu'il y a de plus ordinaires dans leurs désirs. Ils sont flics, écrivains, fonctionnaires, etc. Et dans un final d'anthologie, Straczinsky nous gueule dessus "Allez bouge tes fesses" et touche du doigt une pensée quasi métaphysique, bouclant une boucle de façon surprenante, comme le fera plus tard Millar avec son Superman Red Son (thématiquement similaire).
Rising Stars a réussi là où Heroes et les 4400 échoueront plus tard. Marvel lui-même tentera de prendre ce pli avec Civil War (écrit par Millar).